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Rhino Info Medias

Il s'appelait Sudan

Il s'appelait Sudan

Il s'appelait Sudan. Il avait 45 ans. C'était le dernier mâle rhinocéros blanc du Nord. Les équipes d'Ol Pejeta Conservancy - réserve kényane dans laquelle il vivait - ont annoncé son décès, mardi 20 mars 2018, journée mondiale du bonheur. Triste ironie. Le bonheur s'est éteint et, avec lui, une icône de la lutte pour la protection animale. Malade - une équipe de vétérinaires était à son chevet depuis de longues semaines -, Sudan a du être euthanasié le lundi 19, laissant derrière lui une fille, une petite-fille et un espoir. Celui que la science puisse sauver l'espèce. Son matériel génétique a en effet été prélevé en prévision d'une possible fécondation in vitro (lire plus bas), ultime chance pour sauver cette sous-espèce, victime collatérale de la guerre.

Guerre et impuissance

Les conflits armés qui ont éclatés en Afrique centrale dans les années 80 ont pour ainsi dire décimé les rhinocéros blanc du Nord - originaires de cette région. La vente de cornes a permis aux différentes factions en place l'achat d'armes. Le crime appelle le crime. Dans son malheur, Sudan a eu la chance d'être capturé au Soudan - pays dont il a pris le nom - puis placé dans un zoo. Il avait deux ans. Nous étions en 1975. Puis l'achat d'armes n'a plus été le premier responsable des tueries de masse des rhinocéros. La médecine traditionnelle chinoise est venue s'immiscer dans ce grand massacre, une croyance voulant que la corne de rhinocéros ait des vertus aphrodisiaques. Une illusion née de la longueur des rapports sexuels de nos amis à corne - plus de 30 minutes, un fantasme pour certains. Rappelons toutefois que la corne de rhinocéros est composée de kératine. Alors, messieurs, autant ronger vos ongles et manger vos cheveux, cela vous coûtera moins cher. Car le prix de la corne explose. En vingt ans, il a été multiplié par treize pour atteindre plus de 55 000€ du kilo. Un prix largement supérieur à la valeur de l'or et de la cocaïne (environ 35 000€). Absurde. Notons au passage qu'une grande partie de cet argent illégal revient à des organisations terroristes. Le mal profite au mal.

The Lone Bachelor

Sudan ne pouvant plus se reproduire naturellement, un projet de fécondation in vitro a été lancé. Pour aider à son financement, il était alors possible de croiser le rhinocéros sur... Tinder. Une autre manière de sensibiliser à sa cause et certainement le célibataire le plus séduisant de votre région. L'espoir final d'Ol Pejeta est de ramener à dix la population de rhinocéros blanc du Nord d'ici 2022. Un objectif qui semble compliqué à atteindre, la gestation durant entre 16 et 17 mois et la maturité sexuelle n'arrivant chez cette espèce qu'après l'âge de cinq ans. Et, surtout, jamais un bébé rhinocéros n'est né suite à une fiv. Avec seulement deux femelles rhinocéros blanc du Nord, la probalité d'une réussite est faible. En cas d'échec, les scientifiques pourraient alors se tourner vers des spécimens du Sud mais cela entraînerait l'extinction de la sous-espèce telle qu'elle existe aujourd'hui. Sacré dilemne. Le coût de l'opération est estimé à 9 000 000 de dollars. Une somme importante mais qui semble dérisoire en comparaison du trafic de corne. Rapporté au prix de vente, cela revient à 163 kilos de la soit-disant poudre miraculeuse. Sachant que chaque jour dans le monde quatre rhinocéros sont lâchement assassinés et qu'une corne pèse en moyenne 1,5 kilos, il ne faut même pas un mois aux trafiquants pour obtenir cette somme. Dans son ensemble, la criminalité liée aux espèces sauvages coûte chaque année 14,5 milliards d'euros.

The Lone Bachelor, c'est la réserve dans laquelle il s'est éteint qui lui avait donné ce doux surnom. Il était arrivé en décembre 2009 au Kenya - tel un cadeau de Noël - après près de 35 ans passés dans le Dvůr Králové Zoo en République Tchèque. 

Ailleurs dans le monde

Vous l'aurez compris, il ne reste que deux rhinocéros blancs du Nord, toutes deux en captivité. Leurs cousins du Sud représentent la population la plus importante de rhinocéros à travers le monde avec 11 330 individus en liberté et 750 captifs. Toujours en Afrique, il y a 3 610 rhinocéros noirs sauvages et 250 spécimens en captivité. Trop peu, l'espèce est classée en danger critique d'extinction. Tout comme les rhinocéros de Sumatra (250+9) et de Java - dont la sous-espèce vietnamienne s'est définitivement éteinte en 2010 - (40+0), représentants asiatiques de l'espèce. Une région du monde où vivent également les rhinocéros indiens, dont 2 500 spécimens dans la nature et 150 dans des zoos ou réserves. (source : Wikipedia) En 40 ans, ce n'est pas moins de 98% de la population mondiale des rhinocéros qui a disparue.

La Chine vient d'interdire le commerce de l'ivoire - rassurez-vous le trafic se trouvera une nouvelle plaque-tournante, d'autant qu'une loi existait à l'international depuis 1990 - mais rien - ou presque - n'a été fait pour lutter contre le braconnage des rhinocéros. Pour être exact, la vente et l'achat de sculptures sur cornes ont été jugés illégaux mais pas ceux de poudre médicamenteuse. Faut-il encore rappeler que la corne de rhinocéros est un marché sacrément juteux ? L'ivoire, elle, ne se vend qu'aux alentours de 600€ du kilo. Petite joueuse, va ! Pourtant, 2018 a été endeuillée par le lâche assassinat à l'âge de 76 ans d'Esmond Martin, engagé dans la lutte contre le trafic d'ivoire. Cela n'est pas sans rappeler le destin de Dian Fossey, tuée pour s'être opposée au braconnage des gorilles.

De nombreuses associations luttent sur le terrain contre l'iniominie qu'est le braconnage des rhinocéros (et tout autre animal sauvage évidemment). Pour ne citer qu'elle, Wildlife Angel agit en Namibie - pays modèle en matière de sauvegarde animale. L'association a éte fondée par Sergio Lopez - je vous conseille de lire son edito -, un ancien militaire français qui, entre autres actions, forment des gardes pour protéger les animaux qui les entourent. Peut-être l'aurez-vous vu dans Une Saison dans la Savane, diffusée en 2017 sur France 4. Si ce n'est pas le cas, n'hésitez pas à y jeter un coup d’œil. Et à donner. Toutes ces associaions qui luttent activement chaque jour pour plus d'égalité et de droits ont besoin de fonds. Il en existe beaucoup, au-delà même de la protection des rhinocéros, et un simple don - aussi ridicule qu'il puisse vous paraître - peut aboutir à de grandes choses.

Finissons avec un rappel. La France aussi est touchée par le trafic de corne. Outre les vols - trop peu médiatisés - dans les muséums, notre beau pays de la liberté est le premier - et seul à ce jour - en Europe dans lequel un rhinocéros ait été abattu. C'était en mars 2017 au parc zoologique de Thoiry. Il s'appelait Vince. Il avait quatre ans.

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