22 Avril 2020
Le 22 avril 1970, à l'initiative du sénateur du Wisconsin, Gaylord Nelson, était célébré le premier Jour de la Terre (Earth Day en VO, ndlr). Cinquante ans plus tard, c'est donc confinée que près de la moitié de l'Humanité fêtera l'événement.
Comme un symbole, c'est de la consommation de l'animal le plus braconné au monde - le pangolin - que tout est parti. Mais, dans tout cela, comment se porte notre planète ?
Le confinement, une parenthèse pas si enchantée pour les animaux
Cerfs, renards, singes, canards et bien d'autres, les animaux profitent de l'absence humaine pour venir se promener en ville, mais pas que. Ainsi, un loup a été vu sur le domaine skiable de Chamonix, une première depuis la réinsertion de l'espèce dans les Alpes. Des rorquals communs - deuxième plus grand animal du monde - ont, quant à eux, été observés au large des calanques de Marseille. Plus remarquable encore, une civette de Malabar, qui n'avait plus été aperçue depuis 1990, a été surprise en train de traverser un passage cloutée à Kozhikode (Inde, ndlr). Les réseaux sociaux ne manquent pas de vidéos et photos faisant état de ces inhabituelles visites. Cela cache pourtant une réalité plus triste.
Premièrement, et même si l'on n'en doutait pas vraiment, le phénomène nous rappelle combien le mode de vie humain est incompatible avec une cohabitation respectueuse avec la nature. Déjà, avant le confinement, il avait été constaté que de nombreux animaux diurnes (vivant le jour, ndlr) devenaient nocturnes pour éviter le contact avec notre espèce. Leur (ré)apparition au cœur de nos cités nous fera-t-elle réagir ? Rien n'est moins sûr. En attendant, quand le chat n'est pas là, les souris dansent.
Secondement, la raison de ces venues en ville n'est autre, dans certains cas, que la recherche de nourriture. Habitués à obtenir à manger auprès des populations locales et/ou des touristes, les animaux se rapprochent de la source nourricière. La soudaine jouissance d'une liberté de mouvement perd de sa superbe à la lecture des sous-titres.
Profitons tout de même des gazouillis des oiseaux et du silence offert par le confinement avant que celui-ci ne se termine.
La Terre respire... pour un temps
L'arrêt de l'activité humaine a entraîné une impressionnante baisse de la pollution. Un constat fait dans un premier temps à Wuhan, épicentre de la pandémie, et qui s'est vérifié partout ailleurs.
Diminution du trafic sur les routes, industries polluantes au ralenti, avions cloués au tarmac, autant de raisons à cette bonne nouvelle pour la planète. Pour exemple, en Inde - un des pays les plus pollués au monde -, l'Himalaya est visible dans un rayon de 200 kilomètres. Cela faisait 30 ans que ce n'était plus arrivé.
Mais l'air n'est pas seul à bénéficier de la situation, la qualité de l'eau s'en trouve aussi améliorée. La mise à quai des bateaux stoppe notamment le brassage des sédiments, permettant ainsi à l'eau de regagner sa clarté. Et coïncide, comme évoqué plus haut, au rapprochement des côtes de nombreux poissons et mammifères marins.
Plus surprenant, le confinement a une influence sur... l'activité sismique. Les scientifiques ont ainsi enregistré une réduction du bruit sismique sur la période. Là encore, la responsabilité est à mettre du côté de l'industrie et de la circulation, qui sont des vecteurs d'ondes sismiques. Un phénomène déjà remarqué les nuits, week-ends et jours fériés. Cherchez l'erreur.
Pendant ce temps-là, l'industrie du plastique fait sa publicité en vantant l'intérêt du plastique à usage unique en période de crise sanitaire. Et en militant pour un report de l'arrêt de la production de celui-ci. Rappelons toutefois que le plastique est une source importante de pollution, de sa production à sa fin de vie. Les océans témoigneront.
Puisqu'on parle d'aberrations et de pétrole - principal composant du plastique -, l'OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole, ndlr) a décidé d'une réduction historique de sa production. Une bonne nouvelle ? Que nenni, il s'agit juste d'une manœuvre afin de permettre au cours de l'or noir de repartir à la hausse. Manœuvre qui plus est efficace puisque, dès le lendemain, les marchés asiatiques saluaient la décision avec un rebond du-dit cours de 3%.
On continue avec, cette fois, l'Union européenne qui a confié une partie de son avenir environnemental à... BlackRock. Le nom vous dit quelque chose ? C'est normal, le gestionnaire d'actifs a été impliqué dans la très controversée réforme des retraites. Et bien sachez que BlackRock détient des parts dans les plus grandes compagnies de pétrole - encore lui - et les principales banques du monde. Un joli CV auquel se rajoute donc la rédaction d'un rapport sur la manière dont la supervision bancaire de l'UE pourrait prendre en compte le climat. Climat et BlackRock, en voilà un bel oxymore.
Dans le reste de l'actualité : un feu de forêt à proximité de la centrale de Tchernobyl, un violent cyclone au Vanuatu, les distances de pulvérisation des pesticides réduites dans 25 départements. Pas vraiment de quoi se réjouir...
On finit avec une autre mauvaise nouvelle, liée directement à la pollution atmosphérique et au dérèglement climatique. Dérèglement que l'on a par ailleurs pu constater en France avec des mois de mars et d'avril étonnamment chauds. Mais notre problème se situe plus au nord. Des scientifiques allemands ont observé un trou dans la couche d'ozone, au niveau du pôle Nord. Un phénomène peu habituel dans cette zone du globe et d'une ampleur inédite. Avec une extension maximale de moins d'un millions de kilomètres carrés, ce trou ne tient pas la comparaison face à celui de l'Antarctique - qui peut atteindre les 20 à 25 millions de kilomètres carrés - et devrait se refermer prochainement. Il n'en demeure pas moins inquiétant. En cause, un vortex polaire créé par des vents violents - les plus froids enregistrés depuis 1979 - entraînant des températures glaciales (inférieures à -80°, ndlr) et l'émanation conjointe de chlorofluorocarbones, gaz destructeurs de la couche d'ozone pourtant interdits depuis 1987 par le Protocole de Montréal.
L'impact de l'être humain sur Terre est terrible, le constat n'est pas neuf. Seulement, le choc du Covid-19 nous oblige à faire face à nos responsabilités.
Braconnage et traite animale, des responsables identifiés
Il n'est pas étonnant de retrouver l'origine du Covid-19 en Chine. Le pays est un des plus gros consommateurs de viande d'animaux sauvages et sa médecine traditionnelle fait la part belle aux médicaments d'origines animales. En résulte un trafic d'ordre mondial, dont sont notamment victimes les rhinocéros et les désormais fameux pangolins. Pangolins, qui, outre la consommation de leur chair, sont aussi braconnés pour leurs écailles. Les croyances de la médecine traditionnelle chinoise donnent à celles-ci des vertus curatives, au même titre que les os de tigre, la corne de rhinocéros et la bile d'ours. Les deux dernières citées entrent d'ailleurs dans la composition de médicaments recommandés pour soigner... le coronavirus. Le serpent qui se mord la queue.
Depuis le début de la pandémie, la Chine a cependant pris plusieurs mesures. La première, dès les premiers jours de 2020, fut le déremboursement des médicaments à base d'écailles de pangolin. Ont suivi l'interdiction de la vente d'animaux sauvages pour la consommation en mars, puis le retrait des chiens et des chats de la liste des aliments comestibles en avril. Une lueur d'espoir avec toutefois un rappel nécessaire : le commerce de corne de rhinocéros et d'os de tigre est interdit dans le pays depuis 1993 mais le marché noir de ces denrées a pris le relais, la corne de rhinocéros se vendant même désormais à un prix supérieur à celui de l'or.
Le Covid-19 n'est pas le premier virus à se transmettre d'un animal à l'être humain, les exemples à travers l'Histoire ne manquent pas. Et il ne sera certainement pas le dernier. Les animaux, sauvages ou d'élevages, sont porteurs de virus auxquels nous pourrions avoir à faire face dans les prochaines années. Une des principales causes de ce risque, avec le braconnage, est la destruction de l'habitat naturel des animaux sauvages, qui, en mettant en contact des populations humaines et des animaux sauvages, multiplient les chances de propagation. Les animaux d'élevages ne sont pas à oublier, les conditions de vie souvent déplorables des bêtes - en corrélation avec le niveau d'industrialisation du-dit élevage - sont aussi un facteur de transmission, entre les animaux puis à l'être humain.
La traite des animaux, au delà des risques de contamination, est un scandale d'échelle planétaire. Les bêtes enfermées développent plus facilement des maladies et sont sujettes à un stress important. Le tout pour quoi ? Pour le seul plaisir de l'être humain ? Un exemple parmi tant d'autres. Les civettes palmistes - cousines de celle évoquée en début d'article - élevées en captivité pour produire le Kopi luwak, café le plus cher du monde. La particularité de ce café est qu'il provient de la torréfaction de cerises de caféier partiellement digérées recueillies dans les excréments des civettes. Et comme la récolte dans la nature ne suffisait plus, les producteurs ont décidé de capturer des civettes pour augmenter la récolte. Condamnées à ne plus manger que des cerises de caféier et enfermées dans de minuscules cages, les civettes sont victimes de malnutrition et de claustrophobie, les menant à l'automutilation. La morale de cette histoire ? Arrêtons de manger de la merde !
Bon, un dernier point sur le braconnage, qui reste l'un des principaux adversaires à la biodiversité, et on s'arrête là pour aujourd'hui. Début mars, au Kenya, ont été tués, pour une sombre histoire de croyance médicinale - encore, une girafe blanche et son petit. Atteinte de leucisme (maladie génétique empêchant la pigmentation de la peau, ndlr), la girafe avait été observée pour la première fois en 2017. Cette perte est un véritable coup dur pour tous ceux qui luttent pour la conservation des espèces rares et uniques mais aussi pour la communauté scientifique, qui étudiait le cas de près dans le cadre de recherches sur la génétique. Mais la médecine traditionnelle et la consommation ne sont pas seules raisons du braconnage, la chasse au trophée est extrêmement meurtrière et cela, très souvent, pour de riches "occidentaux" qui poseront par la suite fièrement aux côtés de leur victime. Pitoyable.
En cette période de crise, il est plus que jamais temps de repenser notre mode de vie et notre rapport à la nature. Mais le monde d'après pandémie pourrait malheureusement bien ressembler à celui d'avant...
Allez, bon Jour de la Terre et, promis, je vous prépare un article avec le plein de bonnes nouvelles pour la biodiversité !
Et n'oubliez pas, en restant chez-vous, vous sauvez des vies.